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Les dernières semaines ont été… chaudes ! Les températures mondiales ont officiellement passé le cap du 1,25 °C de réchauffement. Partout dans le monde, on est témoins des conséquences des périodes de chaleur extrême. Et, pendant que les effets les plus évidents des changements climatiques font la une, certains journalistes se sont penchés sur les différents obstacles canadiens qui menacent l’atteinte des objectifs climatiques internationaux.
On vous présente aussi une initiative encourageante en Colombie-Britannique pour sauvegarder la population locale de caribous, et deux reportages sur la couverture médiatique du climat qui influence (pour le meilleur et pour le pire) la perception des enjeux climatiques.
Actualités
Changer de ton dans les médias
Tandis que la saison des canicules et des feux de forêt bat son plein dans l’hémisphère Nord, plusieurs médias peinent à trouver un équilibre entre dramatisation, banalisation et surutilisation du jargon scientifique. Cité dans cet article du Devoir, le météorologue Gilles Brien souligne que les médias exercent une grande influence sur l’imaginaire collectif de leur auditoire. Ils exercent autant le pouvoir d’informer que de désinformer le public. Pour bien couvrir les changements climatiques, les journalistes devraient donc s’assurer d’en rapporter les causes et de préciser leurs impacts tout en délaissant les clichés. C’est d’ailleurs l’objectif de certains météorologues canadiens qui tentent de dépasser les prévisions météo dans leurs interventions, et qu’on aborde dans cet article publié dans la Presse. Leur mission : « aider les gens à comprendre pourquoi les changements climatiques constituent une véritable crise. »
Période de grâce pour les pétrolières canadiennes
La semaine dernière, rapporte CBC, le ministre fédéral de l’Environnement, Steven Guilbeault, a annoncé qu’il était ouvert à accorder un délai au-delà de 2030 à l’industrie pétrolière pour atteindre les objectifs de réduction de ses émissions de gaz à effet de serre. Elles n’ont cessé d’augmenter depuis 1990, mais l’industrie insiste, elle a encore besoin de temps pour s’adapter.
L’objectif du Canada d’atteindre la neutralité carbone d’ici 2050 comprend la réduction des émissions dans tous les secteurs à 40-45 % sous les niveaux de 2005 d’ici 2030. M. Guilbeault insiste sur le fait que le Canada atteindra quand même cet objectif. Mais si le gouvernement fédéral permet à l’industrie pétrolière et gazière d’éviter sa part du fardeau, d’autres secteurs auront à compenser les émissions restantes.
Jusqu’à présent, le bilan du Canada en matière de réduction des émissions des GES déçoit. Selon le National Observer, les Canadiens consomment plus de combustibles fossiles par personne que tout autre pays du G7 ou de l’Union européenne. Le Canada est également l’un des rares pays membres à avoir augmenté ses émissions depuis 1990, à un rythme qui est encore plus élevé que celui des États-Unis.
La Cour suprême refuse d’entendre les jeunes
Après quatre ans de recours judiciaires, l’organisation Environnement Jeunesse, aussi connue sous l’acronyme ENJEU, s’est vu nier l’accès à une action collective qu’elle souhaitait intenter contre le gouvernement fédéral, jugé trop laxiste dans sa prévention des changements climatiques. Le recours collectif, initialement présenté à la Cour Supérieure du Québec, aurait concerné les Québécois de moins de 35 ans qui auront à subir les conséquences de la crise climatique. Cités dans La Presse, les représentants d’ENJEU estiment que la décision de la Cour Suprême s’inscrit dans une lignée de « jugements contradictoires » au Canada quant à « la justiciabilité des recours climatiques. »
Solutions
Protéger les caribous
Alors que plusieurs considèrent le caribou comme un animal emblématique du Canada, les populations locales du nord de la Colombie-Britannique diminuent. L’exploitation des ressources, les feux de forêt et d’autres manifestations des changements climatiques menacent de plus en plus leur habitat. Dans un article publié par The Narwhal, Ainslie Cruickshank s’est penchée sur la façon dont certains peuples autochtones, pour qui le caribou joue un rôle culturel central, passent à l’action pour protéger l’espèce et son habitat.
À la recherche
L’objectif 1,5 degré
« Une fenêtre de possibilité qui fond comme neige au soleil » — c’est de cette façon qu’Éric-Pierre Champagne, journaliste à La Presse, résume la conclusion avancée par deux climatologues de l’Université Concordia qui se sont penchés sur l’objectif fixé par l’Accord de Paris de limiter le réchauffement planétaire à 1,5 °C. Dans leur étude, Damon Matthews et Seth Wynes soulignent hors de tout doute que les efforts actuellement fournis par la communauté internationale ne permettront pas d’atteindre cette cible. Certes, on progresse, mais pas assez vite. Malgré la nécessité d’un effort titanesque et collectif, l’objectif du 1,5 degré n’est pourtant pas physiquement (ou « climatiquement ») irréaliste. Le problème, c’est qu’un mélange complexe de facteurs politiques, technologiques et sociaux freine le progrès. Dès lors, une question se pose : comment peut-on composer avec autant de variables et d’intérêts divergents ?
Réseau du journalisme climatique de l’Université Oxford
Depuis quelques mois, Katherine Dunn et Diego Arguedas Ortiz se sont entretenus avec plus de 100 journalistes de partout dans le monde afin de recueillir leurs avis sur le journalisme climatique. Dans un rapport inédit du tout nouveau Oxford Climate Journalism Network, ils exposent les principaux problèmes qui guettent les journalistes et influencent leur capacité à couvrir les enjeux climatiques de manière pertinente.
L’objectif à long terme du réseau : rendre le journalisme climatique « plus intéressant, plus efficace et plus pertinent pour le public ». Nous garderons un œil sur leurs conclusions de recherche pour voir comment elles s’articulent dans les médias canadiens. Vous pouvez trouver le reste du rapport et en savoir plus sur le Réseau d’Oxford pour le journalisme climatique, ici.
Grand format
Les ennemis parfois surprenants d’Hydro-Québec
Il est plutôt rare de lire des articles sur Hydro-Québec dans les médias anglophones. Cette semaine, nous vous proposons cet article très approfondi publié par The Narwhal. Chez nos voisins américains, Hydro-Québec ne fait pas l’unanimité, et ce, autant auprès des entreprises du secteur des énergies fossiles qu’auprès des environnementalistes. Entrave au développement du secteur énergique local, campagne promotionnelle coûteuse et douteuse, enlaidissement des paysages pittoresques par des lignes de transmission, destruction du milieu naturel de la truite mouchetée, réservoirs émetteurs de méthane : nombreux sont les arguments qui unissent les opposants au projet de ligne de transport d’électricité qui relierait les Appalaches et le Maine. Au Québec, cinq Premières Nations se dressent également contre la construction de ce corridor énergétique qui traverserait leurs territoires.
Balado
The Backbench par Canadaland
Si vous cherchez à écouter plutôt qu’à lire, nous vous recommandons d’écouter le 43e épisode de The Backbench, intitulé The Catastrophe Comissioner (disponible en anglais seulement). L’animatrice Fatima Syed s’entretient avec Jerry DeMarco, le Commissaire à l’environnement et au développement durable du Canada. C’est lui qui veille à ce que le gouvernement rende des comptes quant à ses objectifs en matière de climat. Ils tentent donc d’expliquer pourquoi le Canada ne parvient pas à atteindre ses objectifs climatiques et demeure le seul membre du G7 dont les émissions augmentent chaque année. Vous pouvez écouter la suite ici, sur Spotify ou sur Apple Podcasts.
Profil
Seth Wynes
Nous l’avons brièvement mentionné plus haut, mais il mérite une attention toute particulière : Seth Wynes est chercheur postdoctorant à l’Université Concordia et spécialiste des changements climatiques. Il est le co-auteur d’une étude publiée dans la revue Science qui a beaucoup fait jaser le mois dernier, démontrant l’atteinte du 1,25 °C au-dessus des niveaux préindustriels. Sur Twitter, il fait un exposé fort intéressant où il présente des pistes de solutions urgemment nécessaires pour renverser la vapeur.
