Ce que les pages anti-action climatique ont compris
Ils arrivent mieux que les pro action-climatique à susciter l'engagement sur Facebook. Et le contenu produit par les médias traditionnels fait partie de la stratégie.
Pour cette édition de Papier Carbone, on teste une nouvelle approche. L’étudiante en journalisme et collaboratrice de l’infolettre Brianna Losinger-Ross a rencontré sur Zoom le professeur Shane Gunster, de la Simon Fraser University. Ils ont échangé sur sa plus récente étude. On pense qu’elle vous intéressera autant qu’elle nous a fascinées! Votre sélection des meilleurs reportages sur le climat du mois de février suit immédiatement. À bientôt!
Ce que les pages anti-action climatique ont compris
« En étudiant la question plus en profondeur, on découvre que les médias ou pages d'extrême droite écrivent des choses très sélectives et hautement trompeuses, et que ce type de journalisme indigné obtient plus d'engagement et de résonance sur Facebook que CTV ou The Globe and Mail »
Par: Brianna Losinger-Ross
Les groupes climatosceptiques utilisent les médias sociaux de manière plus efficace que leurs homologues pro-action climatique, a découvert Shane Gunster, professeur adjoint à l'Université Simon Fraser. Leurs publications sur les changements climatiques ont également une portée plus importante que celle de médias nationaux comme CTV, The Globe and Mail ou The Toronto Star.
Dans sa récente étude publiée dans le Canadian Journal of Communication, le professeur Gunster a examiné et comparé la manière dont les groupes climatosceptiques et pro-action climatique utilisent Facebook pour attirer l'attention du public.
« Si un excellent article [sur les changements climatiques] est publié, les organisations pro-action climatique vont le partager une fois », explique-t-il dans une entrevue avec Papier carbone. « Les groupes climatosceptiques, eux, reprendront les arguments et les transformeront en mèmes, y ajouteront une citation, une phrase accrocheuse, et un appel à partager, et publieront encore et encore, car la répétition fonctionne ».
Gunster a moissonné les publications Facebook contenant les mots « climate change » et « global warming », en anglais, publiées par des pages canadiennes entre décembre 2019 et décembre 2020. Il a analysé celles qui ont obtenu au moins 50 interactions, pour un total de 6 631 publications issues de 520 pages différentes.
« En étudiant la question plus en profondeur, on découvre que les médias ou pages d'extrême droite écrivent des choses très sélectives et hautement trompeuses, et que ce type de journalisme indigné obtient plus d'engagement et de résonance sur Facebook que CTV ou The Globe and Mail », relate Gunster.
Image : Gunster, S. (2022). Curating Climate (In)Action: Strategic News-Sharing in Canadian Civil Society. Canadian Journal of Communication 47(4),592-620.
Lorsqu'on compare la manière dont les deux types de groupes utilisent les médias sociaux, il y a une différence significative dans l'engagement que les groupes pro-action climatique reçoivent, notamment parce qu'ils ne semblent pas essayer de développer [ML1] des communautés de la même manière que les groupes climatosceptiques.
« Du moins sur Facebook, les groupes pro-action climatique ne semblaient pas avoir de stratégie cohérente pour bâtir leurs propres réseaux », remarque-t-il. « Il n'y avait pas du tout le même effort pour attirer les gens dans les écosystèmes médiatiques de gauche qui mettraient de l’avant le type de journalisme climatique nécessaire pour poursuivre les objectifs politiques du mouvement climatique au Canada ».
Gunster explique que les groupes climatosceptiques ont réussi à perfectionner une approche qui favorise le partage d’articles qui correspondent au discours des climatosceptiques, qui le renforce. Cela attire beaucoup d'attention et d'engagement.
Les chroniqueurs climatosceptiques aux propos plus de droite et anti action-climatique étaient les plus susceptibles de créer de l’engagement. Certains sont publiés par des médias traditionnels grand public, et gagnent en visibilité grâce au partage de leurs articles sur les pages des groupes climatosceptiques. « C'est plutôt effrayant », selon Gunster.
Postmedia est l'organisation dont le contenu a été le plus amplifié sur les pages Facebook climatosceptiques, tandis que le contenu de CBC était surtout partagé par des groupes favorables à l’action climatique.
Image : Gunster, S. (2022). Curating Climate (In)Action: Strategic News-Sharing in Canadian Civil Society. Canadian Journal of Communication 47(4),592-620.
« Je suis déçu de ne pas avoir pu constater d'efforts concertés de la part des groupes proclimat pour construire leurs appuis et diriger les gens vers The Narwhal, The Tyee et The National Observer – des organisations qui font vraiment du bon journalisme sur le climat », poursuit le professeur à la School of communication de la Simon Fraser University.
Selon Gunster, ses résultats pourraient inspirer les groupes proclimat à utiliser les réseaux sociaux de manière efficace.
« La gauche doit réaliser que si elle se veut être une grande organisation de défense, elle doit elle aussi user de stratégie et se demander quel type d'écologie de l'information va lui permettre de pousser son agenda politique plus loin », dit-il. « Les groupes proclimat doivent apprendre à identifier leurs alliés, qui dans cet écosystème médiatique produisent le genre d'informations dont nous avons davantage besoin, et diriger activement et efficacement les personnes vers ces sites. »
Traduction par Mélanie Lussier
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L’infolettre climat et médias au Canada est publiée une fois par mois par l’équipe de recherche de la professeure de journalisme à l’Université Concordia Amélie Daoust-Boisvert. Elle bénéficie du soutien du Conseil de recherche en sciences humaines du Canada (CRSH). Vous avez des questions ou des commentaires ? Écrivez-nous à Cmrconcordia@gmail.com
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Ce mois-ci, l’infolettre a été rédigée par Amélie Daoust-Boisvert, Brianna Losinger-Ross et Mélanie Lussier. Rédaction en chef et éditrice : Amélie Daoust-Boisvert