Canada's National Observer, un exemple à suivre
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Le 3 avril 2024
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À tous ceux et celles qui nous suivent et pour qui l’excellence en matière de journaliste climatique compte, merci! Depuis quelques mois, on vous propose une série sur les médias qui nous inspirent. On ne pouvait pas passer à côté du Canada’s National Observer. Mois après mois, ses articles apparaissent sur notre radar. C’est incroyable ce que ses artisans arrivent à faire avec peu de moyens, allant de l’enquête au journalisme de solutions, en passant par les actualités les plus importantes et des infolettres plus que pertinentes.
Tout de suite après le reportage, vous trouverez notre sélection du mois.
À bientôt!
Amélie
Canada’s National Observer : Faire son nid en journalisme climatique
Par Olivia Integlia
Le média indépendant primé Canada’s National Observer (CNO) considère Barry Saxifrage comme son « geek des graphiques et analyste climatique ». Il contribue au Climate Solutions Reporting Project du CNO en enquêtant sur les plus grands enjeux des changements climatiques. Il met un accent sur les solutions à ces problèmes, et utilise les données de manière très visuelle. Ses articles, révélant les fuites de méthane du Canada et le point de basculement de nos forêts, parviennent fréquemment à figurer parmi les choix principaux du mois de Papier Carbone, comme de nombreuses histoires du CNO.
Dans sa thèse de maîtrise en journalisme, Willow Beck a révélé que près de 60 % du contenu original publié par le CNO en 2022 était lié au climat ou à l'environnement, dont 40 % était orienté vers des solutions. C'est assez distinctif dans le paysage médiatique actuel.
C'est pourquoi nous avons décidé de contacter le CNO afin de nous intéresser à ce qui fait de lui une telle source d'inspiration en matière de reportage sur le climat.
La perspective d'un citoyen concerné
Fait surprenant, Saxifrage dit avoir publié des centaines d'articles au fil des ans, mais il ne se considère pas comme un journaliste en tant que tel. « Je n'ai pas de diplôme en journalisme et j'ai pris la décision de ne jamais accepter d'argent pour mon travail sur le climat », dit-il. L'ancien programmeur web est à la retraite depuis une décennie, ce qui lui a donné la liberté de consacrer son temps au reportage sur le climat.
Capture d’écran d’un aperçu des articles de Barry Saxifrage dans le Canada’s National Observer.
Bien qu'il ne soit pas un journaliste de formation, Saxifrage dit que le travail qu'il peut faire en tant que citoyen concerné a ses avantages. « Je voulais être libre d'écrire sur tout ce que je pensais qu’il valait la d’être couvert. Et je voulais la liberté de prendre autant de temps que nécessaire pour rechercher et écrire sur un sujet », explique-t-il.
Adopter une approche axée sur les solutions
La rédactrice en chef du CNO, Adrienne Tanner, souligne l'importance du journalisme axé sur les solutions. « Je pense que si tout ce que vous faites est de dire aux gens que la fin du monde approche, les gens perdront la volonté de faire quoi que ce soit pour essayer de le changer parce que cela semblera tellement désespéré », dit-elle.
Elle ajoute également que les journalistes climatiques devraient examiner de près les solutions et ne pas éviter de rapporter les dommage causés par les changements climatiques. « Vous voulez donner aux gens un mélange. Vous voulez être réaliste sur ce qui se passe. Vous voulez demander aux politiciens des comptes sur ce qui se passe. Mais vous voulez aussi montrer aux gens qu'il se passe beaucoup de choses et que ce n'est pas que des mauvaises nouvelles », dit-elle.
Tanner souligne qu'aucune solution n'est parfaite et met en garde les journalistes contre le l’écoblanchiment et les fausses solutions.
Heureusement pour lui, Saxifrage nous dit que son expérience en science des données lui procure les compétences requises pour trier parmi les informations erronées. « Je reçois un flot énorme de communiqués de presse sur le climat. Presque tous sont du hype, du greenwashing ou trompeurs ».
Saxifrage met environ un mois pour écrire un article. Il ajoute qu'il passe beaucoup de temps à faire des recherches, à organiser les données dans des feuilles de calcul et à attendre que les gouvernements et les industries rendent les informations accessibles au public.
Bien que ce processus soit lent, il en souligne la valeur. « Je me fie aux données pour me dire ce qui se passe réellement. Et mes lecteurs ont besoin des données pour qu'ils puissent décider par eux-mêmes. Je ne veux pas être un ‘expert avec des opinions’. Je veux donner aux lecteurs les meilleures données que je puisse trouver et citer clairement mes sources pour qu'ils puissent les évaluer », explique-t-il.
Le défi du financement
Outre la désinformation, Tanner dit que le plus grand défi pour un journalisme climatique réussi est le manque de financement. « Si vous êtes une publication qui remet en question le statu quo commercial, ce que fait souvent des reportages sur le climat, vous n'allez certainement pas voir de grosses corporations jeter des sommes énormes d'argent pour que vous puissiez poursuivre votre travail journalistique ».
Le genre de reportage que fait le CNO a beau ne pas attirer beaucoup de revenus publicitaires, il attire certainement l’audience et une reconnaissance internationale. Barry Saxifrage dit qu'il est difficile de savoir quelles histoires ont le plus d'impact. Récemment, un article cité par le New York Times a suscité beaucoup d'engagement en ligne, par exemple. Mais ce n'est pas pour cela qu'il écrit en premier lieu. « Aider la société à comprendre la menace climatique et les options disponibles pour agir est ce qui me tient le plus à cœur. Et il n'y a tout simplement pas de bons indicateurs que je connaisse pour mesurer cela ».
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